La nécessité d’une loi sur la transition énergétique pour garantir l’approvisionnement de la demande intérieure à long terme

Rédaction (A.M)
Energies renouvelablesHydrocarbures
Rédaction (A.M)29 juin 2022
La nécessité d’une loi sur la transition énergétique pour garantir l’approvisionnement de la demande intérieure à long terme

Dans une interview accordée au journal « Les Enjeux Economiques », Mr. Abdelmadjid ATTAR, Consultant et ancien PDG de Sonatrach, met en évidence l’urgence de réduire la dépendance vis-à-vis de la rente des hydrocarbures à travers une double transition économique et énergétique. Il répond sans hésitation qu’il faut commencer par changer de cap en modifiant le modèle de consommation énergétique, et en envisageant un possible recours aux hydrocarbures non conventionnels si cela devient nécessaire au cours de la période de transition énergétique.

 

1    Dans votre présentation vous avez beaucoup insisté sur l‘importance de maintenir à un niveau donné, la part de la rente pétrolière dans les ressources de l‘Etat pour financer le développement, mais vous ne donnez pas les mesures urgentes à prendre pour réaliser cet objectif

R : Ce n’est pas tout à fait ça, j’ai insisté sur la nécessité de réduire progressivement, et meme rapidement la part de la rente pétrolière dans les ressources de l’Etat. L’objectif est d’éviter selon mes estimations, un arbitrage prochain probablement à compter de 2028 ou 2030, pour prolonger la durée de vie des réserves en gaz naturel surtout. Elles seront vitales pour notre sécurité énergétique au-delà de 2030 en compagnie des ENR.

La seule façon de réaliser cet objectif est bien sûr d’activer la création de nouvelles richesses à travers un développement économique dans d’autres secteurs.

2    L’Algérie a pris du retard dans le développement des ENR, pourtant c‘est le plus grand potentiel au monde en énergie solaire. Comment expliquez-vous cette situation ?

R : Pour répondre avec précision à votre question il aurait fallu être un des décideurs dans ce programme. Je peux néanmoins vous donner mon opinion à ce sujet sous toutes réserves. Le programme ENR décidé en 2011 comportait 22.000 MW répartis entre trois technologies (solaire photovoltaïque, solaire thermique, et éolien) dont les prix de revient du KWh produit étaient différents et surtout en pleine évolution. Comme le prix du baril de pétrole était en pleine croissance, et la rente pétrolière de l’époque était à un niveau plus que satisfaisant, les décideurs ont probablement cru bon de « patienter ». C’est ainsi que le prix du photovoltaïque était devenu plus bas que la thermique alors que l’essentiel du programme initial était thermique. La question qui se posait était alors : doit-on changer de programme ? Le genre de situation et d’hésitation qui entraine toujours un retard et un report des décisions. Si vous ajoutez à cela la crise pétrolière de 2014 suite à la chute du baril et par conséquent des moyens financiers pour soutenir les programmes, vous comprendrez les raisons du retard. Mais à mon avis, le gouvernement, ou au moins les acteurs énergétiques concernés (Sonatrach et Sonelgaz) auraient dû quand meme prendre plus d’initiatives en prenant en considération juste les défis futurs auxquels nous commençons déjà à faire face.

3   Pensez-vous que la structure de consommation en faveur du résidentiel et les prix de l‘énergie sont les seuls facteurs de vulnérabilité du système énergétique algérien ?

R : Ce que vous mentionnez là correspond au modèle de consommation énergétique et il est extrêmement important. Tel qu’il est actuellement il correspond à une vulnérabilité évidente puisqu’il entraine non seulement une croissance très élevée de notre consommation énergétique, et par conséquent des seules ressources énergétiques disponibles aujourd’hui (hydrocarbures). Si on ajoute que cette consommation ne produit aucune valeur ajoutée, alors qu’elle est largement subventionnée, on comprend pourquoi ce modèle doit être revu en urgence.

L’Algérie est caractérisée en ce moment par un contexte énergétique qui nous interpelle tous et qu’on peut décrire de façon suivante :

  • Un modèle de consommation énergétique basé à 98% sur les hydrocarbures, énergivore, obsolète, qu’il faut revoir, et qui demandera du temps pour plusieurs raisons aussi bien économiques que sociales.
  • Un taux d’accroissement de la consommation énergétique trop élevé.
  • Une dépendance de la rente pétrolière très importante, de notre économie, y compris de toute relance économique sur une période de transition qui sera d’au moins 10 ans ou plus.
  • Des réserves en hydrocarbures conventionnels en déclin et qui apparemment ne suffiront pas à terme, et plus précisément au-delà de 2030, pour procurer la rente et couvrir les besoins de consommation énergétique interne.
  • Et enfin un retard dans la mise en œuvre et l’exploitation des ENR, qui auraient pu réduire la pression sur les hydrocarbures, et même contribuer à créer une nouvelle industrie créatrice d’emplois entre autres.

Toutes ces vulnérabilités sont connues depuis une décennie, et plus tôt on engagera les solutions avec des actions et des programmes concrets, mieux cela vaudra pour les générations futures.

4    Quelle est votre analyse de l ‘exploitation à moyen terme des ressources non conventionnelles ? Est-ce un mal nécessaire ou encore une malédiction dont nous ne sommes pas capables d’exploiter et sans grands dégâts environnementaux.

R : Il faut reconnaitre qu’actuellement toute la volonté politique pour rattraper le retard et changer de politique énergétique est là. Mais la réalité du terrain est là aussi avec une équation dont tous les paramètres sont simples, et facilement évaluables.

Ces paramètres sont les suivants :

  1. Des réserves en hydrocarbures conventionnels, surtout en gaz, parfaitement connues, auxquelles on peut rajouter avec un degré de certitude acceptable des réserves à découvrir selon l’état de connaissance du domaine minier qui est mature à l’inverse de ce que beaucoup croient.
  2. Un profil de production qui doit répondre :
  3. En priorité aux besoins de consommation interne qui vont évoluer en fonction des programmes d’économie d’énergie, et des ENR à réaliser (du moins ceux actuellement connus et approuvés).
  4. Aux besoins en matière de rente pour soutenir les programmes de développement économique nécessaire, ainsi que les programmes de soutien sociaux (subventions, et autres) qui ne disparaitront pas du jour au lendemain.
  5. Une volonté politique actuelle qu’on peut chiffrer à travers les programmes ENR, Economie d’Energie, refonte du modèle de consommation, et avoir une idée sur les gains en matière de réserves conventionnelles à préserver.

Il y a bien sur d’autres paramètres, mais les plus importants sont ceux que je viens d’évoquer. Tous les calculs montrent qu’à compter de 2028 ou au plus tard 2030, il faudra commencer à arbitrer entre la consommation intérieure et l’exportation, et qu’à partir de 2035 ou au plus tard 2040, la production gazière nationale ne suffira plus.

Il y a beaucoup d’experts qui affirment :

  • Qu’il y a encore beaucoup de gaz conventionnel à découvrir en Algérie.
  • Que le progrès technologique va nous faire découvrir de nouvelles sources d’énergies renouvelables, inconnues à ce jour.
  • Que l’hydrogène va remplacer le gaz dans 2 ou 3 ans.
  • Et bien sûr que la rente pétrolière va être rapidement (avant 2028), remplacée par des activités industrielles ou agricoles.

C’est tout à fait souhaitable, mais ça demeure un pari !

Alors faut-il engager sa sécurité énergétique sur ces paris ou au moins les compléter avec une prédisposition supplémentaire en envisageant et en préparant sérieusement l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels ? Parceque prévoir simplement de le faire, nécessitera 7 à 8 ans pour produire les premiers mètre-cubes de gaz ! Ce qui nous ramène à 2030.

Il n’est pas non plus question d’ignorer les risques et les problèmes qui découlent de cette exploitation. Ils sont exactement identiques à ceux des hydrocarbures conventionnels, et parfaitement gérables en ce moment par Sonatrach et ses partenaires. Les deux plus importants inconvénients sont le prix de revient du baril de pétrole ou du M3 de gaz, pour le moment trop élevé en Algérie, ou encore l’occupation de grandes surfaces par les installations d’exploitation et de transport. Mais à ma connaissance, cette exploitation n’est pas prévue sur des zones agricoles comme la Mitidja, le Chélif, le périmètre agricole d’Abadla, celui de l’Oued Ghir, ou encore l’une des nombreuses oasis sahariennes.

Ce n’est ni un mal, ni une malédiction. Le gaz de schiste américain est en train d’inonder le marché européen et asiatique au grand bonheur des USA. L’Argentine et la Chine sont sur la meme voie. Il est probable que certains pays européens le fassent aussi bientôt dans le besoin.

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