Pourquoi le GNL ne peut pas empêcher les européens de réduire leurs dépenses d’énergie ?

Fakhreddine Messaoudi
EnergieHydrocarbures
Fakhreddine Messaoudi12 novembre 2022
Pourquoi le GNL ne peut pas empêcher les européens de réduire leurs dépenses d’énergie ?

Avec la crise énergétique, l’Europe s’est tournée vers le gaz naturel liquéfié. Or, une étude révèle que les émissions de gaz à effet de serre liées à la production et au transport de cet hydrocarbure sont 10 fois plus élevées que celles du gaz naturel classique

« GNL ». Ce sigle s’est invité dans les médias depuis le début de la crise énergétique liée au conflit Russo-Ukrainien. Il désigne le « Gaz Naturel Liquéfié », un hydrocarbure produit comme son nom l’indique par liquéfaction – dans des frigos géants à -160 °C – du gaz naturel puisé dans le sous-sol, ce qui permet d’en réduire le volume (d’un facteur 6) afin de le transporter plus facilement à bord de navires « méthaniers ».

Pour pallier à la baisse de l’approvisionnement en gaz russe via les gazoducs, l’Europe a fait bondir ses importations de GNL par voie maritime : + 65 % sur les neuf premiers mois de 2022 par rapport à l’année précédente (SPBGlobal, 10/2022). Ce carburant provient notamment des Etats-Unis, du Qatar et des pays d’Afrique comme le Nigeria et l’Algérie.

Or, les émissions de gaz à effet de serre liées à la production et au transport du GNL sont 10x fois plus élevées que celles du gaz naturel classique transporté et commercialisé par gazoducs, selon une étude menée par l’institut norvégien « Rystad » et consultée par la BBC. Un bilan carbone désastreux, qui risque de freiner la lutte contre le réchauffement climatique – alors que la COP27 a débuté ce mois-ci à Charm el-Cheikh en Egypte. Il faut aussi rappeler que toutes les analyses à l’échelle mondiale font ressortir que le marché du GNL va connaitre une expansion rapide à l’horizon 2030 qui pourrait le placer en tête des échanges dans le monde avant 2040.

20 nouveaux terminaux dédiés au GNL en projet

« Pour le gaz acheminé par gazoduc depuis la Norvège, chaque baril correspond à environ 7 kg de CO2, tandis que pour les importations de GNL vers l’Europe, nous estimons que la moyenne dépasse les 70 kg de CO2 par baril », précise « Patrick King » de l’institut « Rystad », interrogé par le média britannique BBC. « D’ici la fin de l’année prochaine, si la Russie ferme complètement les robinets de gaz, et que tout ce gaz supplémentaire doit provenir de sources de GNL, nous verrons 35 millions de tonnes supplémentaires d’émissions de CO2 importées en amont par rapport à 2021 », prévoit l’expert.

Si certains argueront que le recours au GNL n’est que temporaire, d’autres y voient en revanche une perspective d’accroissement important à long terme, puisqu’une vingtaine de nouveaux terminaux dédiés au GNL seraient prévus rien que dans les zones portuaires européennes. A partir de là, le GNL sera soit regazéifié et distribué sous forme de gaz naturel par gazoducs, soit aussi chargé à bord de camions-citernes et acheminé vers des sites de regazéification.

« Pour être honnête, c’est vraiment effrayant », s’inquiète auprès de la BBC « Eilidh Robb », responsable de la campagne contre le gaz fossile pour l’ONG les Amis de la Terre Europe. « Pour rendre ces terminaux économiquement viables, les pays doivent signer des contrats qui les engagent à faire venir le gaz pendant longtemps, et les installations elles-mêmes peuvent durer jusqu’à 40 ans, ce qui implique un effet de verrouillage très long pour ces combustibles fossiles dont nous essayons de sortir ».

L’Europe doit impérativement réduire sa consommation de gaz, et s’orienter vers les énergies renouvelables

« La véritable opportunité qui ressort de (cette crise énergétique) consiste à mettre en place des incitations pour réduire notre consommation de gaz », affirme le Docteur « Paul Balcombe », de l’université Queen Mary de Londres, qui n’a pas participé à cette étude. « Nous devons accroître l’efficacité énergétique et le déploiement des énergies renouvelables », prône-t-il.

Quant à ceux qui estimeraient que le conflit Russo-Ukrainien – ou plus exactement les sanctions contre la Russie – devrait de toute façon prévaloir sur la « guerre » contre le réchauffement climatique, peut-être faut-il rappeler que 16 % du GNL importé en Europe provient… de la Russie elle-même selon l’étude de « Rystad ».

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