QUEL IMPACT ET QUEL ROLE ECONOMIQUE DES BRICS A L’ECHELLE MONDIALE ET PLUS PARTICULIEREMENT EN AFRIQUE ?

Rédaction (A.M)
Energie
Rédaction (A.M)23 juillet 2023
QUEL IMPACT ET QUEL ROLE ECONOMIQUE DES BRICS A L’ECHELLE MONDIALE ET PLUS PARTICULIEREMENT EN AFRIQUE ?

Dans le présent article, nous restituons le contenu de l’interview accordée par Mr. Abdelmadjid ATTAR, ancien Ministre de l’Energie dans le gouvernement Algérien, accordée le 19/07/2023 à la chaine TV chinoise CGTN. A travers les réponses aux questions qui lui ont été posées, Mr. A. ATTAR a tenté de faire le point sur tout ce qui se dit des BRICS et surtout de fournir quelques précisions sur son poids et le rôle que pourrait jouer ce Club qui ne comprend pour le moment que cinq grandes économies mondiales, mais qui pourrait devenir à terme une institution et un acteur important dans la transformation économique et géopolitique de notre monde.

1) Comment évaluez-vous l’impact et le rôle économique des BRICS sur la scène internationale ?

Les BRICS ne sont pour le moment qu’un Club d’échange, de concertation, mais tirent leur importance d’abord du fait qu’ils représentent 42% de la population mondiale, 35% du PIB mondial. Les BRICS ont un des taux de croissance économique les plus élevés dans le monde. Ils correspondent grâce à la Chine surtout à la région la plus grande exportatrice, mais aussi la destination d’importants investissements.

Un de ses membres, la Chine, est la deuxième plus grande économie mondiale avec un PIB de 19.900 Mds $, derrière les USA dont le PIB est de 25.350 Mds $. L‘Inde et le Brésil figurent également parmi les dix premières économies avec respectivement un PIB de 3.300 et 1833 Mds $. La Russie quant à elle un PIB de 1830 Mds$, mais occupe aussi une position importante par sa puissance militaire et industrielle, tout en étant un des principaux réservoirs et producteurs de pétrole et de gaz dont l’impact sur la scène énergétique mondiale depuis 2022 est pour beaucoup non seulement dans la crise énergétique actuelle, mais aussi dans les mutations géopolitiques qui sont en cours. L’Afrique du Sud est aussi l’économie africaine ayant le niveau de développement et le taux de croissance les plus significatifs en Afrique, avec un PIB de 420 Mds$. Il faut cependant préciser que le continent africain compte trois autres économies importantes : le Nigéria, l’Egypte, et l’Algérie avec un PIB respectif de 441 puis 404, et 193 Mds $.

Si on prend en compte seulement le volet énergétique, on constate que les BRICS sont détenteurs d’importantes réserves en gaz d’environ 46.000 Md M3 (soit 24% des réserves mondiales) et 150 Md barils de pétrole (soit 9% des réserves mondiales), grâce essentiellement à la Russie (38.000 Md M3 et 108 Md Barils). Ils sont aussi le plus important marché pétrolier et gazier grâce à la Chine et l’Inde. Les BRICS produisent environ 20 MMB/jourde pétrole, 974 Md M3/an de gaz. Ils en consomment 27 MMB/jour en pétrole, et 971 Md M3/an. Mais seule la Russie est exportatrice nette, alors que la Chine et l’Inde correspondent au premier marché (importation) pétrolier dans le monde le deuxième en gaz après l’Europe.

Mais il n’y a pas que le poids économique ou énergétique qui compte dans ce groupe de cinq pays. Le volet politique qui le caractérise est aussi important, dans la mesure où au-delà du volet économique, leur objectif était de peser sur la scène internationale par rapport à l’hégémonie d’un monde occidental dominé par le G7, le FMI, et d’autres alliances dominatrices présentes aussi bien en Afrique qu’en AsieduSud Est. On a toujours fait croire aux pays en voie de développement ou anciennes colonies, ou sous domination économique par les pays occidentaux que leur système démocratique libéral, leurs valeurs, étaient la seule voie possible de développement, ou susceptible de faire face aux nouveaux défis de notre monde (climatique, environnemental, sanitaire, pauvreté, etc…). C’est faux, puisqu’il y a d’autres systèmes politiques, d’autres pays avec des cultures, des croyances, des valeurs, complètement différentes, qui se développent rapidement, par leurs propres moyens, et se portent mieux que n’importe quel autre du monde libéral occidental. La Chine se porte bien en étant communiste, les monarchies du Moyen Orient étonnent par leur adaptation au monde moderne et se développent à grande vitesse en faisant des jaloux parmi les pays occidentaux.

C’est donc pour toutes ces raisons, et bien sûr en tenant compte de toutes les crises multiformes qui affectent le monde actuel, que les BRICS sont l’objet d’autant d’attention de la part des pays non alignés à ce jour, et parfois tout simplement ignorés ou exclus d’ensembles géopolitiques ou économiques.

2) Qu’est-ce qui attire de nombreux pays comme l’Algérie à rejoindre cette organisation ?

Les motifs sont variables d’un pays à un autre, mais on peut les résumer à travers cinq principaux facteurs qui sont : la volonté de peser sur la scène géopolitique mondiale ainsi que les échanges commerciaux, la contribution au changement de la gouvernance mondiale, l’accès à des financements et des investissements de développement, l’accès à de nouvelles opportunités économiques et le partage d’expériences et de connaissances.

La plupart des pays ont compris qu’il faut non seulement agir pour suivre ce qui est en train de se passer dans le monde, et ne pas rater les opportunités de positionnement géostratégique, mais aussi accélérer son développement à travers surtout plus de sécurité à tous les niveaux, à commencer par la sécurité alimentaire et énergétique. La construction d’infrastructures d’exploitation et de transformation des ressources naturelles pour créer de nouvelles richesses, et assurer un développement durable au bénéfice des populations locales.

La visite du Président Algérien à la tête d’une importante délégation gouvernementale en Chine, et ses résultats en matière d’accords économiques avec 36 Mds $ d’investissements sur d’importants projets structurants y compris dans le domaine technologique, est un excellent exemple de ce que peut rapporter un partenariat stratégique entre une puissance économique membre des BRICS  telle que la Chine, et un candidat à l’adhésion aux BRICS comme l’Algérie.

Il est question de puissance aussi ou de capacités à défendre ses intérêts au sein d’un club plutôt que de rester isolé, ou dépendant d’un système de développement dont on ne partage pas les valeurs.

Le conflit russo-ukrainien a révélé que de nombreuses pseudo-alliances aussi bien politiques qu’économiques n’offraient finalement que peu de garanties de stabilité à tous les points de vue (politique économique, et sécuritaire). Le « deux poids deux mesures » vis-à-vis des pays d’Afrique et du Moyen Orient a fait la différence. Le plus bel exemple est celui de la cohésion renforcée au sein de l’OPEP+ par rapport aux pressions des pays de l’Occident en matière de production pétrolière.

C’est ainsi qu’il est né chez beaucoup de pays non alignés ou isolés une volonté d’adapter leurs stratégies d’alliances et de partenariats aux mutations géopolitiques en cours. Rejoindre le Forum des BRICS, c’est aussi perçu comme « une sorte de fierté, de singularité retrouvée au sein de ce forum, autant chez ses membres fondateurs que chez les prétendants à l’adhésion ». Par rapport au G7 et aux pays occidentaux en général, il y a aussi « une sorte de recherche de revanche sur l’arrogance des anciennes puissances occidentales colonisatrices », pour peser un peu plus sur le nouvel ordre mondial en construction.

Les plus grands espoirs sont localisés au niveau des pays qui se sont retrouvés subitement isolés après la crise sanitaire de 2019-2020, puis le conflit russo-ukrainien, seuls face à beaucoup d’indifférence de la part des pseudos démocraties libérales paternalistes. Il y a par conséquent un véritable espoir de voir naitre un nouveau courant, un nouvel environnement plus proche de nos valeurs, de nos besoins, de nos préoccupations, et cela s’applique particulièrement à l’Afrique, au Moyen Orient, et l’Amérique du Sud, des régions qui ont tous les moyens et les capacités de voler de leurs propres ailes au sein d’un nouvel ensemble géopolitique et économique.

3) Les organisations et institutions économiques placent de grands espoirs dans les résultats du prochain sommet des BRICS, quelle est la signification de cela ?

Les BRICS ne comptent pour le moment que cinq grands pays, cinq économies mondiales importantes, mais avec aussi bien des points communs que des différences. Ce club, cet organisme, ou cette institution, on peut l’appeler comme on veut, constitue une opportunité attractive pour beaucoup d’autres économies qui veulent se démarquer des anciennes organisations mondiales, mais on ne connait ni les critères d’adhésion ni la position réelle de chacun de ses membres.

D’autre part, il ne faut pas non plus oublier que Les USA, l’Europe, le G7, sont aussi en train de mettre le paquet et tentent de courtiser tous ceux qui semblent intéressés par une adhésion aux BRICS. Globalement, les 2/3 du monde et 50% de la population mondiale font partie des pays non alignés dont font partie aujourd’hui les prétendants à l’adhésion aux BRICS, et chaque camp (G7 ou BRICS) essaie de les attirer.

Dans une situation pareille, il ne faut pas s’attendre à une sorte de révolution géopolitique et économique après ce sommet comme semblent le croire certains. Il faut surtout espérer que le sommet réussisse, adoptent une nouvelle organisation en tant qu’organisme mondial puissant, ouvre ses portes aux candidats capables d’apporter du poids aux BRICS et de recevoir en retour ce dont ils ont besoin, et enfin provoque le démarrage d’un processus de refonte ou de modifications des alliances et des positions en cours. Espérons qu’il y aura un BRICS à plus de 5 membres y compris l’Algérie, et pourquoi pas aussi un BRICS+ à l’image de l’OPEP+ dont la cohésion a été très bénéfique à tous ses membres.

Il faut aussi évoquer la dé dollarisation de l’économie mondiale qui correspond à un objectif majeur pour les BRICS et beaucoup d’autres pays, car le dollar américain reste la monnaie de réserve internationale dominante à plus de 80% dans les échanges mondiaux, et autour de 60% en matière de réserves de change, contre seulement 20% pour l’euro et 4,5% pour la monnaie chinoise. Pour le moment la prochaine conférence des BRICS prévoit la discussion sur la mise en place d’une nouvelle monnaie unique, mais on ne sait ni laquelle, ni comment, ni quand. Cet objectif et le processus de sa mise en œuvre ne sont pas aussi simples que peuvent le croire certains. « Le dollar est une monnaie de réserve, d’échange commercial, et de compte », trois fonctions pas faciles à assurer comportant autant d’avantages que de risques pour le pays d’origine. Seule la Chine, deuxième puissance économique mondiale est en mesure de le faire, mais pas dans l’immédiat à priori pour de nombreuses raisons propres à ses relations économiques avec le reste du monde. Je ne suis pas un expert dans ce domaine très complexe, mais peut être qu’en attendant ceux sont les échanges en monnaies locales entre membres du club BRICS qui se développeront, à l’avantage des économies locales. Le secteur pétrolier à travers les échanges entre les pays du Moyen Orient et la Chine aura certainement un rôle majeur dans ce processus, puisque des échanges pareils sont en cours ou en prévision.

L’objectif des BRICS est ainsi de renforcer son positionnement économique et plus particulièrement énergétique en attirant les pays à grandes réserves du Moyen Orient et d’Afrique. Le facteur SECURITE ENERGETIQUE est pour le moment primordial à mon avis car le Moyen Orient et l’Afrique par exemple renferment l’essentiel des réserves mondiales avec 40% pour le pétrole et 48% pour le gaz. Il suffit de rajouter les 24% de réserves gazières situées en Russie pour deviner les enjeux géostratégiques découlant de cette répartition.

4) De nombreux pays africains comptent bénéficier de la Nouvelle banque de développement ou la banque des BRICS. Comment cette banque pourrait-elle contribuer au développement de ces pays ?

La Nouvelle banque de développement des BRICS a effectivement comme objectif le financement des projets d’infrastructures et de développement durable dans les pays membres et autres pays en développement, à des conditions favorables.

Parmi les projets éligibles au financement en Afrique, on peut citer :

  • Les infrastructures essentielles de transport pour développer notamment les échanges commerciaux internes et transfrontaliers, ainsi que ceux de l’énergie dont beaucoup de pays en manquent puisque 60% de la population africaine n’a pas accès à l’électricité par exemple.
  • Les investissements dans les projets d’énergie renouvelable, pour contribuer à diversifier le mix énergétique et réduire la dépendance aux combustibles fossiles.
  • D’autres domaines comme l’agriculture, l’éducation, la santé et les technologies de l’information et de la communication (TIC) constituent des secteurs clés pour soutenir le développement socio-économique des pays africains à travers des investissements pouvant aider à réduire la pauvreté, améliorer l’accès aux services de base et promouvoir l’innovation.

Pour y arriver il faudrait que les pays africains élaborent des projets solides, renforcent leur capacité de gestion des projets et veiller à ce que les investissements de la NBD bénéficient à l’ensemble de la population de manière équitable et durable.

Le capital de départ de la NBP a été fixé à 100 Milliards de dollars à travers des contributions égales des 5 membres. Pour le moment le capital souscrit est de 50 Milliards de dollars. Parmi les projets déjà financés ou en voie de l’être, on peut en citer 4 pour l’Afrique avec un investissement total de 820 Millions de dollars:

  • Le Projet de canalisation du Nil Bleu, en Éthiopie : avec un prêt de 140 Millions de dollars.
  • Le Projet d’approvisionnement en eau dans la région des bassins de Limpopo et d’Olifants en Afrique du Sud, au Mozambique et au Zimbabwe avec un prêt de 180 Millions de dollars.
  • Le Projet de parcs éoliens en Égypte : avec un financement de 200 Millions de dollars pour un projet de parcs éoliens qui vise à augmenter la capacité de production d’énergie renouvelable de l’Égypte.
  • Le Projet de chemin de fer trans-Kenya : avec un prêt de 300 Millions de dollars pour la construction d’une nouvelle ligne de chemin de fer reliant Nairobi à Malaba, à la frontière avec l’Ouganda. Ce projet améliorera les infrastructures de transport et stimulera le commerce régional en Afrique de l’Est

Quatre autres projets ont aussi bénéficié d’un investissement global de 585  Millions de dollars, dont :

  • Deux en Russie pour la construction d’une ligne de chemin de fer à grande vitesse et le réseau d’assainissement de la ville d’Orenbourg.
  • Un projet de parc solaire photovoltaïque en Inde.
  • Et un projet d’extension du réseau du métro de Sao Polo au Brésil.
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