Algérie-Italie : vers un partenariat stratégique dans le secteur de l’Energie

Rédaction (A.M)
Hydrocarbures
Rédaction (A.M)7 juin 2022
Algérie-Italie : vers un partenariat stratégique dans le secteur de l’Energie

Nous publions ci-dessous la version en français de l’interview donnée au site « EL Khabar »  en arabe, au sujet des partenariats en matière d’énergie et d’hydrocarbures. Dans ses réponses, Mr. Abdelmadjid Attar, Expert & Consultant dans le domaine de l’énergie, livre son opinion sur la portée stratégique de ces relations, la position stratégique de l’Algérie au sein du bassin méditerranéen, ainsi que les autres opportunités de développement en matière d’exportation de gaz ou d’électricité.

 

Q : Le Président Tebboune a parlé d’exporter les excédents de gaz vers l’Italie et d’en faire le distributeur du gaz algérien en Europe. Que pensez-vous de cette option ?

R : Je n’ai aucune idée sur les détails de ce qui a été convenu avec la partie italienne, mais ma compréhension sur ce que vous rapportez de la déclaration du Président de la République est la suivante : il s’agit probablement de l’exportation de volumes de gaz à exporter provenant de nouvelles découvertes à faire ou à développer, et non de volumes supplémentaires provenant des gisements en cours d’exploitation. Dans ce cas, et si cela n’affectera pas nos besoins de consommation domestique, ces exportations amélioreront les recettes fiscales du pays et celles de Sonatrach, si elles sont cédées au prix du marché spot.

Quant au rôle de « distributeur » que vous citez, je suppose là aussi que le Président mentionne le transit du gaz à travers le réseau de gazoduc italien vers d’autres clients européens seulement. C’est ce que Sonatrach commercialise actuellement à travers la Tunisie par exemple, et le faisait autrefois à travers le Maroc. Mais encore une fois tout dépend de ce qui a été négocié ou le sera par Sonatrach.

Q : L’Algérie traverse une crise diplomatique avec l’Espagne. Pensez-vous que cela affectera les relations commerciales entre les deux pays dans le domaine de l’énergie ?

R : Ces relations commerciales dans le domaine de l’Energie sont régies par des contrats fermes, engageant les deux parties. Elles ne seront affectées que si l’une des parties n’en respecte pas les dispositions engageantes de façon générale. Les contrats comportent cependant des clauses relatives entre autres à la révision périodique des prix de vente du gaz, ou encore le renouvellement des contrats. Dans ce cas et quand une échéance survient, chacune des parties fait ses propositions, les négocie, et accepte de poursuivre ou non sa relation contractuelle. Mais une chose est sure, quand il y a crise ou relations tendues entre deux partenaires, aucun des deux n’acceptera de faire des concessions, c’est chacun pour soi et Dieu pour tous.

Q : L’Algérie cherche à achever le projet d’interconnexion électrique avec l’Italie par un câble sous-marin. Quelle est l’importance de ce projet et produire de l’électricité en Algérie et la vendre à l’Europe est-il plus rentable que de vendre des matériaux importants ?

R : Les interconnexions électriques de ce genre, qu’elles soient terrestres ou sous-marines, existent déjà entre de nombreux pays ou continents, surtout en Europe. Pour le cas que vous citez, il est techniquement tout à fait réalisable, mais doit répondre à trois conditions importantes :

  • Il faudrait d’abord que l’Algérie soit en mesure de produire une puissance excédentaire par rapport à ses besoins.
  • Il serait préférable alors que cette électricité soit produite à partir de sources renouvelables (solaire ou éolienne) parceque cela entrainera dans ce domaine de nouveaux investissements profitables pour le pays, sans affecter ses réserves gazières dont il faut préserver une partie pour la consommation intérieure et les générations futures.
  • On peut aussi imaginer le cas où les réserves de gaz du pays et sa production augmentent de façon très importante à long terme, notamment grâce à l’exploitation du gaz de schiste. On peut alors envisager une production d’électricité conventionnelle à exporter si les calculs économiques prouvent que cette forme de valorisation est de loin supérieure à celle du secteur de la pétrochimie par exemple. Mais pour le moment je doute qu’une exportation d’électricité d’origine gazière soit réalisable et profitable pour le pays. Le contexte énergétique mondial est en train de muter, alors autant patienter et voir comment cela va se faire, et surtout sans oublier de tenir compte de l’impact futur de la taxe carbone sur les importations en europe.

Q : Sonatrach et Eni ont fait plusieurs découvertes et travaillent sur des projets communs. Le partenariat avec l’Italie va-t-il selon vous prolonger l’ère pétrolière en Algérie ?

R : L’ère pétrolière ne sera prolongée que par le renouvellement des réserves en hydrocarbures, ou alors un usage raisonnable de celles existantes actuellement. Mais il me semble que vous êtes en train d’évoquer la rente pétrolière, et dans ce cas mon avis est le suivant : plus vite on sortira de sa dépendance et mieux cela vaudra. Le renouveau de l’Algérie ne proviendra pas d’exportations supplémentaires d’hydrocarbures, mais d’une nouvelle économie basée sur la production de nouvelles richesses autres que les hydrocarbures. Et s’il faut que cela se fasse à travers le secteur de l’énergie, alors autant le faire à travers les énergies renouvelables ou toutes autres formes d’énergies plus propres, parceque l’Algérie dispose d’un avantage incomparable : ses ressources naturelles, et d’une position stratégique dans le bassin méditerranéen.

Q : Dans quelle mesure l’Algérie peut-elle se développer à partir de la production d’énergies propres telles que l’énergie solaire et l’hydrogène vert. Pensez-vous que l’énergie du futur sera en Algérie ?

R : L’énergie de façon générale est à la base de tout développement, qu’il soit économique ou humain. Sa disponibilité, sa nature, les voies et modes de son échange (commercialisation) sont en train de muter rapidement, et vont certainement peser pour beaucoup dans le nouveau monde qui s’annonce. La consommation énergétique mondiale sera de plus en plus électrique, et de plus en plus d’origine renouvelable ou au moins plus propre et plus respectueuse de l’environnement grâce à l’innovation et au progrès technologique.

L’Algérie dispose de tous les avantages nécessaires à cette énergie du futur, mais ce n’est pas suffisant parcequ’il faudra :

  • Remplir les conditions nécessaires pour exploiter et valoriser ces avantages à travers une industrie algérienne du renouvelable, sa maitrise, et son bon usage.
  • Être compétitif parcequ’il ne faut surtout pas croire que l’Algérie est la mieux placée dans ce domaine. La plupart des pays ont autant de soleil, de vent, etc…, et d’ambitions.

Mais les conditions et la compétitivité que je viens de citer nécessitent aussi d’énormes investissements, qui ne peuvent être consentis :

  • Qu’à travers des partenariats avec des opérateurs nationaux ou étrangers ayant les moyens financiers et la compétence technologique pour le faire.
  • Ou alors par l’affectation d’une partie de la rente actuelle des hydrocarbures sur la base d’un principe à déterminer dans le genre : un pourcentage de la rente annuelle pour chaque millier de MW d’énergie renouvelable à construire dans l’année, et en contrepartie aussi d’une économie d’énergie.

L’Algérie a plus que jamais besoin d’une nouvelle politique énergétique dont le fondement de base doit être d’abord la sécurité énergétique à long terme, au service d’un développement hors hydrocarbures.

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