COP27 : « Plutôt pas d’accord qu’un mauvais accord »

Fakhreddine Messaoudi
Environnement & Climat
Fakhreddine Messaoudi20 novembre 2022
COP27 : « Plutôt pas d’accord qu’un mauvais accord »

La COP27 de Charm el-Cheikh, en Égypte, devait officiellement se terminer ce vendredi 18 novembre. Mais les négociations ont fini par imposer des prolongations jusqu’au Dimanche 20 Novembre (aujourd’hui à l’aube), tant les avancées ont été lentes au cours de ces deux semaines. L’accord final, dépendait en grande partie de la prise en compte des pertes et dommages.

Après des négociations longues et difficiles qui ont largement débordé du calendrier prévu, la COP27 s’est terminée aujourd’hui à l’aube après avoir adopté un texte très disputé sur l’aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique mais sans nouvelles ambitions pour la baisse des gaz à effet de serre. Après plus de deux semaines, la grande conférence sur le climat de l’ONU a pris fin avec plus d’un jour de retard sur le calendrier prévu, ce qui en fait l’une des COP les plus longues de l’histoire.

« Ça n’a pas été facile » mais « nous avons finalement rempli notre mission », a souligné le président égyptien de la conférence « Sameh Choukri ». Une déclaration finale fruit de nombreux compromis a été finalement adoptée, appelant à une réduction « rapide » des émissions mais sans ambition nouvelle par rapport à la dernière COPde Glasgow en 2021.

Le texte sur les réductions d’émissions a été également très disputé, de nombreux pays dénonçant ce qu’ils considéraient comme un recul sur les ambitions définies lors de précédentes conférences. Notamment sur l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, contenir le réchauffement à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, qui est toutefois réaffirmé dans la décision finale.

Les engagements actuels des pays signataires de l’accord ne permettent pas de tenir cet objectif, ni même celui de contenir l’élévation de la température à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, quand les humains ont commencé à utiliser en masse les énergies fossiles responsables du réchauffement climatique. Ces engagements, en admettant qu’ils soient intégralement tenus, mettraient au mieux le monde sur la trajectoire de +2,4°C à la fin du siècle et, au rythme actuel des émissions, sur celle d’un catastrophique +2,8°C.

Or, à près de 1,2°C de réchauffement actuellement, les impacts dramatiques du changement climatique se multiplient déjà. L’année 2022 en a été l’illustration, avec son cortège de sécheresses, méga-feux et inondations dévastatrices, impactant récoltes et infrastructures. Les coûts de ces événements extrêmes s’envolent également : la Banque Mondiale a ainsi estimé à 30 milliards de dollars le coût des inondations qui ont laissé un tiers du territoire pakistanais sous l’eau pendant des semaines et fait des millions de sinistrés. Les pays pauvres, souvent parmi les plus exposés mais qui sont généralement très peu ou pas du tout responsables du réchauffement, réclamaient depuis des années un financement des « pertes et dommages » qu’ils subissent.

Autre sujet qui a secoué la COP, les ambitions de réductions d’émissions. De nombreux pays ont estimé que les textes proposés par la présidence égyptienne constituaient un retour en arrière sur les engagements d’en relever régulièrement le niveau pris à Glasgow« Cette COP a affaibli les obligations pour les pays de présenter des engagements nouveaux et plus ambitieux », a regretté Laurence Tubiana, architecte des accords de Paris de 2015.

Sans compter la question de la réduction de l’usage des énergies fossiles, à l’origine du réchauffement mais à peine mentionnée dans la plupart des textes sur le climat. Le charbon avait été cité en 2021 après de rudes échanges mais à Charm el-Cheikh les « suspects habituels », selon l’expression d’un délégué, s’y sont une nouvelle fois opposés pour le pétrole et le gaz. Arabie Saoudite, Iran ou Russie sont les noms de pays les plus souvent avancés. Le développement des renouvelables fait cependant l’objet d’une mention inédite aux côtés des énergies à « basses émissions », expression généralement appliquée au nucléaire.

Au-delà du débat très difficile sur le problème des pertes et dommages, les cinq principales autres annonces qui ont marqué le sommet sont les suivantes : 

  • L’Union européenne annonce une relève de son ambition climatique :

Le vice-président de la Commission Européenne, « Frans Timmermans », n’est pas venu les mains vides à la COP27. Il a annoncé que l’Union Européenne était prête à réduire d’ « au moins 57% » ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990 – contre 55% jusqu’à présent. « Ne laissez personne vous dire, ici ou ailleurs, que l’UE fait machine arrière. Ne les laissez pas vous dire que le conflit entre l’Ukraine et la Russie est en train de tuer le Pacte vert européen et que nous sommes dans une ruée vers le gaz », a assuré Frans Timmermans en référence au difficile sevrage du gaz russe. Il est vrai que les pays de l’UE se sont beaucoup préoccupés de remplacer le gaz russe depuis le début de l’année, mais il est vrai aussi que globalement l’UE prévoit de stabiliser sa consommation à l’horizon de 2027, puis de la diminuer progressivement. Cela n’a pas empêché la « Chiara Martinelli » de régir en déclarant que : « Cette augmentation de 2 points est loin des 65% dont on a tant besoin, la part équitable que l’UE devrait viser pour limiter le réchauffement à 1,5°C ».

  • L’initiative de « Bridgetown » vise à réformer le système financier mondial

Portée par la Barbade et sa désormais incontournable Première ministre, « Mia Mottley », l’initiative de « Bridgetown » vise la refonte du système financier mondial pour que les pays pauvres n’aient plus à choisir entre rembourser leur dette et investir dans la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique. L’initiative a notamment été soutenue par le président français. Dans son allocution à la tribune de la COP27, le président français a annoncé le lancement d’un groupe des sages de haut niveau sur les financements innovants pour le climat regroupant des organismes comme le FMI, la Banque Mondiale et l’OCDE. Il devra faire des recommandations sur des solutions concrètes d’ici le printemps prochain. Une conférence internationale sur un nouveau pacte financier avec le Sud devra d’ailleurs se tenir à Paris en juin 2023, avec le souhait de « créer les conditions d’un véritable choc de financement vers le Sud ».

  • Un bouclier mondial contre les risques climatiques mobilise 210 millions d’euros

Le 14 novembre, le V20(le groupe des pays les plus vulnérables) et le G7 ont annoncé le lancement du « Bouclier mondial contre les risques climatiques »(Global Shield). Il vise à aider les populations à financer les impacts du réchauffement via un « financement pré-organisé » qui peut être déboursé avant ou juste après une catastrophe climatique. Cela inclut en particulier des systèmes d’assurance contre les dégâts causés aux récoltes, aux bâtiments ou contre l’interruption d’activités d’une entreprise. Doté de 210 millions d’euros, il bénéficiera à un premier groupe de pays incluant le Bangladesh, le Costa Rica, les îlesFiji, le Ghana, le Pakistan, les Philippines et le Sénégal. Présenté par l’Allemagne, à la tête du G7, comme une des réponses aux pertes et dommages, ce bouclier ne fait pas l’unanimité auprès de la société civile et ne saurait remplacer la création d’un nouveau mécanisme dédié, qui fait toujours l’objet de discussions.

  • Un nouveau partenariat pour une transition énergétique juste a été signé avec l’Indonésie

Lancés à la COP26, les partenariats pour une transition énergétique juste (JETP) font des émules. L’an dernier, l’Afrique du Sud avait inauguré le principe. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union européenne s’étaient engagés à lui verser 8,5 milliards de dollars pour l’aider à décarboner plus rapidement son secteur de l’électricité, aujourd’hui produite à 80% à partir de charbon. Lors du G20 de Bali (En Indonésie), un nouveau JETP a été annoncé entre l’Indonésie et un groupe de pays incluant les États-Unis et le Japon, pour un montant de 20 milliards de dollars, soit probablement le plus important financement climatique jamais réalisé. En retour, le pays, parmi les plus importants émetteurs au monde, s’engage à fermer ses centrales au charbon et à avancer de sept ans, en 2030, le pic d’émissions du secteur. Le Royaume-Uni et le Vietnam devraient à leur tour signer un JETP d’ici la fin de l’année.

  • Plusieurs pays vulnérables ont présenté leurs Plans de prospérité climatique

La COP27 a aussi été l’occasion pour les pays du Sud de présenter de nouveaux Plans de Prospérité Climatique (CPP). Leur objectif est de mobiliser les investissements afin de stimuler la croissance économique et l’emploi, tout en accélérant l’adaptation au climat et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. En 2021, le Bangladesh a été le premier pays à lancer un CPP, nommé « Mujib Climate Prosperity Plan », du nom du Pèrede la Nation. Lors de la COP27, le Ghana, les Maldives et le Sri Lanka ont à leur tour présenté leur CPP. Le CPP du Sri Lanka vise à mobiliser 26 milliards de dollars dans des projets à court terme, comme par exemple un réseau éolien de 5 gigawatts, ainsi qu’un réseau à haute tension, et un réseau sous-marin pour relier l’Inde. Le plan fournit une voie pour que le Sri Lanka devienne une économie négative en carbone avant le milieu du siècle. Au total, une trentaine de pays se sont lancés dans cette démarche, accompagnée par le « Climate Vulnerable Forum »(CVF).

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