Décryptage : Pourquoi l’industrie américaine de l’éolien en mer est dans le marasme ?

Fakhreddine Messaoudi
Energies renouvelables
Fakhreddine Messaoudi10 septembre 2023
Décryptage : Pourquoi l’industrie américaine de l’éolien en mer est dans le marasme ?

La valeur de l’entreprise énergétique danoise Orsted, le plus grand développeur de parcs éoliens offshore au monde et un acteur important aux États-Unis, a chuté d’environ 31 % depuis qu’elle a déclaré des pertes de valeur de 2,3 milliards de dollars aux États-Unis à la fin du mois d’août en raison des retards d’approvisionnement, des taux d’intérêt élevés et de l’absence de nouveaux crédits d’impôt.

L’entreprise n’est qu’une des nombreuses sociétés énergétiques qui tentent de construire de nouveaux parcs éoliens en mer aux États-Unis, mais les difficultés qu’elle rencontre se répercutent sur l’ensemble du secteur et soulèvent des questions quant à l’avenir de la flotte de projets qui, comme l’espère le président américain Joe Biden, peuvent contribuer à lutter contre le changement climatique. L’administration de Joe Biden souhaite d’ailleurs que les États-Unis déploient 30 000 mégawatts (MW) d’énergie éolienne en mer d’ici à 2030, contre seulement 41 MW actuellement, un élément clé de son plan visant à décarboniser le secteur de l’électricité et à revitaliser l’industrie manufacturière nationale.

Cependant, même si les dispositifs réglementaires et les subventions sont en place, les promoteurs sont confrontés à une nouvelle série de vents contraires. Voici de quoi il s’agit :

INFLATION

Le secteur américain de l’éolien en mer s’est développé beaucoup plus lentement qu’en Europe parce qu’il a fallu des années aux États et au gouvernement fédéral pour accorder des subventions et élaborer des réglementations régissant le secteur, ce qui a ralenti la location et l’octroi de permis.

Cependant, comme les politiques gouvernementales ont commencé à s’aligner en faveur de l’industrie ces dernières années, les développeurs d’éoliennes offshore ont dévoilé une multitude de nouvelles propositions de projets, principalement au large de la côte est des États-Unis. Deux petits projets sont entrés en service : le parc éolien de BlockIsland de l’entreprise Orsted, composé de cinq turbines, au large de RhodeIsland, et les deux premières turbines d’essai du projet Coastal VirginiaOffshore Wind de la société énergétique américaine Dominion Energy (D.N), au large de la Virginie.

Mais il y a eu un problème.

La pandémie du COVID-19 a entravé les chaînes d’approvisionnement et augmenté le coût des équipements et de la main-d’œuvre, rendant les nouveaux projets beaucoup plus onéreux que prévu. « Il semble que le secteur de l’éolien en mer ait fait des offres agressives pour les premiers projets afin de s’implanter dans un nouveau secteur prometteur, anticipant une forte baisse des coûts similaire à celle de l’éolien terrestre, du solaire et des batteries au cours de la dernière décennie », a déclaré à Reuters Eli Rubin, analyste principal de l’énergie au sein de la société de conseil en énergie EBW Analytics Group. « Au lieu de cela, les fortes hausses de coûts ont jeté le trouble sur le financement et le développement des projets », a déclaré M. Rubin, notant que de nombreux contrats seront probablement renégociés alors que les États-Unis cherchent à décarboniser, les prix plus élevés se répercutant en fin de compte sur les consommateurs d’électricité.

TAUX D’INTÉRÊT

Les coûts de financement ont également grimpé en flèche lorsque la Réserve fédérale américaine (FED) a augmenté les taux d’intérêt pour maîtriser l’inflation. De nombreux contrats relatifs à des projets d’éoliennes en mer ne prévoient aucun mécanisme d’ajustement en cas de hausse des taux d’intérêt ou des coûts. Certains promoteurs ont payé pour sortir de leurs contrats plutôt que de les construire et d’être confrontés à des années de pertes ou de faibles rendements.

Dans le Massachusetts, deux promoteurs d’éoliennes en mer, SouthCoastWind et CommonwealthWind, ont par exemple accepté de payer pour mettre fin à des contrats qui auraient permis de fournir environ 2 400 MW d’énergie, soit suffisamment pour alimenter plus de 1million de foyers.

À New York, les promoteurs d’éoliennes en mer ont également cherché à augmenter le prix de l’électricité produite dans le cadre de leurs projets. La société norvégienne Equinor et son partenaire BP cherchent à obtenir une augmentation de 54 % pour l’électricité produite dans trois parcs éoliens offshore prévus – Empire Wind 1 et 2 et BeaconWind.

Orsted, quant à elle, a déclaré en juin aux autorités de régulation des services publics qu’elle ne serait pas en mesure de prendre la décision finale d’investissement prévue pour la construction de son projet Sunrise Wind de 924 MW, à moins que son contrat d’achat d’électricité ne soit modifié pour tenir compte de l’inflation.

DES SUBVENTIONS INSUFFISANTES

L’administration de Joe Biden a cherché à stimuler le développement des énergies propres en adoptant l’Inflation Reduction Act (IRA), une loi d’envergure qui prévoit des milliards de dollars d’incitations pour les projets de lutte contre le changement climatique. Depuis l’adoption de la loi l’année dernière, les entreprises ont annoncé de gros investissement dans de nouvelles fabrications de batteries solaires et de batteries pour véhicules électriques (VE) aux États-Unis

Mais le secteur de l’éolien en mer n’est pas pleinement satisfait.

Selon les promoteurs, il est trop difficile d’obtenir des primes pour l’utilisation de matériaux locaux et pour l’implantation de projets dans des communautés défavorisées, alors que ces primes sont essentielles pour faire fonctionner les projets dans un environnement où les coûts sont élevés.

Ces crédits représentent chacun 10 % du coût d’un projet et peuvent être réclamés en tant que bonus en plus du crédit de base de 40 % de l’IRA pour les projets d’énergie renouvelable, ce qui porte la subvention totale d’un projet jusqu’à 50 %.

Equinor, la société française Engie, la société portugaise EDP Renewables et des groupes commerciaux représentant d’autres promoteurs de projets éoliens en mer aux États-Unis ont déclaré à Reuters qu’ils faisaient pression sur les fonctionnaires pour qu’ils réécrivent les exigences et qu’ils mettaient en garde contre la perte d’emplois et d’investissements dans le cas contraire.

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