Dossier analyse : Les transmutations majeures de la conjoncture actuelle résultant du conflit Russo-Ukrainien

Fakhreddine Messaoudi
2022-08-01T14:04:55+02:00
Economie d'énergie
Fakhreddine Messaoudi27 juillet 2022
Dossier analyse : Les transmutations majeures de la conjoncture actuelle résultant du conflit Russo-Ukrainien

Par : Fakhreddine Messaoudi

On en a parlé, on en parle actuellement et on continuera à en parler pendant les prochains mois voire même les prochaines années, le conflit Russo-Ukrainien a provoqué un bouleversement des plus mémorables du 21ème siècle. De ce fait, des changements majeurs et aucunement anticipés par les spécialistes ont vu le jour : La fulgurante augmentation du prix du pétrole, l’augmentation des prix du gaz, le changement du marché gazier, l’apparition de nouveaux fournisseurs de gaz, la signature anticipée de nouveaux accords dans le secteur de l’énergie, la crise énergétique sans précédent de l’Europe, la nouvelle classification des priorités ou encore le changement de la politique adopté de quelques pays à l’encontre d’autres pays, font partie d’une liste non exhaustive des transformations remarquables depuis l’éclatement du conflit.

L’Europe, en situation de crise énergétique, multiplie les stratagèmes et joue la carte de la solidarité inter états-membres :

Dans une optique de manœuvre politico-stratégique, Bruxelles a dernièrement lancé un appel aux pays membres de l’UE à réduire de 15% leur consommation de gaz jusqu’au printemps 2023 avec comme objectif refroidir la menace de la Russie quant à sa décision de priver l’Europe de son gaz. A cet effet, un refus catégorique a été exprimé par certains pays comme l’Espagne, Malte, Chypre, le Portugal ou encore l’Italie. Vient s’ajouter à cette liste la France qui a exprimé dernièrement son refus par le biais de son ministre de la Transition énergétique« Elisabeth Borne » arguant, pratiquement de la même manière que les pays cités précédemment, que cet effort, préconisé par Bruxelles, devrait tenir compte des spécificités de chaque pays, notamment les plus affectés par la diminution des livraisons de gaz russe. Ajoutant, pour exprimer une certaine solidarité à l’encontre de l’Allemagne très affectée par cette crise étant donnée sa dépendance quasi-exclusive du gaz russe « On va faire le maximum pour aider nos partenaires européens […] mais, ça ne sert à rien de faire des efforts en plus qui, de toute façon, n’auraient pas d’effet sur les capacités à aider nos voisins »
La Grèce a de son côté exprimé son refus elle aussi via son ministre de l’Energie« Kostas Skrek », étant pratiquement sur la même longueur d’onde que le restant des pays réfractaires à l’appel de Bruxelles, qui a déclaré, toujours en solidarité avec l’Allemagne, que « Même si nous réduisons de 15% notre consommation, ça ne veut pas dire pour autant que plus de gaz ira en direction de l’Allemagne ».
Par ailleurs, l’Allemagne de son côté songe à prolonger sescentrales nucléaires, un débat qui occupe la classe politique depuis quelques jours maintenant. A cet effet le gouvernement allemand a indiqué qu’il trancherait « dans les prochaines semaines » sur un possible retour au nucléaire civil. Cette décision constitue un revirement extraordinaire dans la politique énergétique du pays, une politique énergétique basé sur les énergies renouvelables et sur l’arrêt du nucléaire justement depuis 2011, une décision annoncée à l’époque par la chancelière allemande « Angela Merkel ».

Les États-Unis politiquement opposés au conflit Russo-Ukrainien mais économiquement favorable :

A l’heure actuelle les Etats-Unis se frottent les mains et pour cause, l’Europe qui dépend du gaz russe à hauteur de 45% cherche à pallier à ce dernier en puisant dans la liste des autres fournisseurs susceptibles de le remplacer. Dans cette liste se trouve les USA, un pays producteur de gazconventionnel mais aussi non conventionnel. Les américaines ont augmenté leurs capacités de production de gaz à destination de l’Europe pour répondre aux besoins du vieux continent. En termes de chiffres, les exportations américaines de Gaz Naturel Liquéfié « GNL » ont augmenté de 12% au premier semestre 2022 soit 11.2 milliards de M3 / Jour entre Janvier et Juin2022 hissant les USA à la première place des exportateurs mondiaux de GNL au premier semestre 2022. Une augmentation qui rentre dans le cadre de la forte demande en Europe et la volonté de cette dernière à substituer le gaz en provenance de Russie. A noter que pour la première fois de l’histoire, l’Europe a importé plus de GNL des USA que de gaz par gazoduc en provenance de la Russie.

Malgré les allégations, les prix du pétrole brut demeurent élevés et pour longtemps :

Dès le 17 juillet dernier on parlait déjà d’une baisse du prix du pétrole brut au-dessous de 100 Dollars US, ce qui a poussé certains investisseurs à se rétracter mais on est loin du scénario « reset » ou le retour au prix bas. Le prix demeurera à ce niveau voire même augmentera dans les prochaines semaines selon les experts de plusieurs cabinets de consulting comme « JPMorgan » qui avait même déclaré en ce début du mois que le prix se verra déstabiliser une certaine période puis reprendra son cours à la hausse.
Dans ce registre, l’OPEP a signalé à plusieurs reprises qu’elle n’était pas pressée de déployer sa capacité de réserve pour stimuler l’offre mondiale et faire baisser les prix. Ceci s’explique notamment par les prix eux-mêmes, et à titre d’exemple, l’Arabie saoudite a augmenté ses prix du pétrole pour les acheteurs asiatiques pendant plusieurs mois d’affilée, parce que d’une part elle en avait le pouvoir, et d’autre part sa capacité de production supplémentaire est limitée. La demandeaccrue des pays asiatique comme l’Inde ou la Chine et les différentes sanctions quant à l’importation du pétrole brut de Russie sont les deux principales raisons, parmi tant d’autres bien évidemment, qui laisseront le pétrole brut à un seuil de prix profitable pour ceux qui en sont producteurs.

La Russie toujours en position de force malgré les sanctions :

Le ministre hongrois des affaires étrangères et son homologue russe se sont réunis dernièrement à Moscou pour discuter d’une possible augmentation de l’approvisionnement en gazrusse à destination de la Hongrie. Une réunion qui gêne et va à l’encontre de la politique adoptée par l’Europe vis-à-vis de la Russie car il faut savoir que Budapest, dépendante à 85% du gaz russe, à contrario de la majeure partie des pays européens a adopté une approche pragmatique vis-à-vis du conflit Russo-Ukrainien.
Autre événement venant déstabiliser la situation en Europe, le « Nordstream 1 ». En effet, la ministre allemande des affaires étrangères a dernièrement averti Ottawa que si le Canada ne procèderait pas à la livraison à Gazprom (Géant pétrolier Russe), de la turbine à gaz en cours de maintenance au Canada, et qui est essentielle pour le fonctionnement du gazoduc« Nordstream 1 », Berlin se verrait contraint de suspendre l’aide militaire et économique à l’Ukraine. L’arrêt complet du flux de gaz russe via le « Nordstram 1 » à destination de l’Allemagne pourrait effectivement entrainer de graves répercussionspolitiques et économiques internes, pouvant même provoquer un soulèvement populaire. Beaucoup de médias ont repris cette affaire qualifiant les propos de Berlin comme étant des « menaces » à l’encontre du Canada, mais l’ambassadrice allemande a déclaré qu’il ne s’agissait aucunement de menaces en expliquant que l’Allemagne et le reste de l’Europe s’efforcent de se sevrer du gaz naturel russe, mais ne veulent pas que les flux de gaz soient « coupés immédiatement » afin de garantir le fonctionnement de l’économie à court terme.
Pour finir, ce qui inquiète encore actuellement l’Europe c’est surtout l’excellente relation qu’entretien Moscou et ses alliés, à titre d’exemple la réunion prévue cette semaine entre l’Iran, la Russie et la Turquie, aura indubitablement comme but de renforcer les liens et la cohésion entre ces trois pays mais il sera aussi question d’énergie, de marché gazier et pétrolier et de politique à mener à l’encontre de l’UE.

Tous les événements cités au-dessus démontrent clairement une domination stratégique Russe et prouvent encore une fois l’impact qu’a la Russie au niveau de l’économie Européenne. La force de la Russie réside dans sa manière d’anticiper les événements tantôt dans les marches pétroliers ou gaziers, tantôt dans les relations diplomatiques et les stratégies politiques mises sur l’échiquier.

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